C’est durant ses études de psychologie, effectuée à l’université de Clermont-Ferrand, que ce bourguignon de naissance découvre le cinéma. De Fassbinder à Comencini en passant par Wenders, il cultive l’amour du film d’auteur où le personnage et son humanité sont au centre d’une errance à la fois géographique et intérieure. Ses études de psychologie achevées, Manuel Sanchez se lance dans une série de voyages en Amérique du Sud qui le convaincra de sa vocation pour le cinéma. C’est alors qu’il intègre les bancs de l’école de cinéma CLCF, dont il sortira diplômé en 1984.
Du Déclic au Mariage du Siècle en passant par Travelling-Avant de Jean Charles Tacchella, Manuel Sanchez peaufine son art, teste la formation reçue sur le terrain et devient un premier assistant apprécié qui songe très vite à passer à la réalisation. Ce sera chose faite en 1991 avec son premier long métrage : Les Arcandiers, qui lui vaudra une nomination aux Césars en 1992.
Réalisateur rare, Manuel Sanchez sort actuellement son nouveau long métrage : La DorMeuse Duval. Tourné en 2015 dans les Ardennes et présenté au marché du film de Cannes en mai dernier, il aura fallu tout ce temps pour permettre à ce film subtil et sensible, véritable vision d’auteur personnelle et engagée, pour arriver sur nos écrans. Joué par Dominique Pinon, Marina Tomé, Delphine Depardieu et Pascal Turmo dans les rôles principaux, le film oscille entre comédie, burlesque et drame sans jamais nous affliger ni tourner en dérision des personnages attachants et plus complexes qu’il n’y paraît.
Ce film est la première adaptation à l’écran d’un roman de Franz Bartelt, Les bottes rouges, publié en 2000 chez Gallimard. Issu du milieu ouvrier, Manuel Sanchez a été séduit par cette histoire de gens simples qui s’aiment, ne s’aiment plus, se défont et se déchirent sur fond d’apéro entre potes et d’usines qui ferment. Séduit aussi par l’évocation d’une région qu’il aime, qu’il connaît et où il revient souvent.
Sur les bords de la Meuse, Basile, magasinier heureux et épanoui aime Rose, sa femme depuis bien des années. En face de chez eux vit le correspondant local du quotidien La Meuse, ami de Basile, observateur et narrateur du drame en marche. Un jour revient de Paris la jeune Maryse Duval qui a décidé d’abandonner ses rêves de comédienne. Stagiaire dans l’usine où travaille Basile, elle le séduit. Le pauvre homme entame alors son chemin de croix : poussé par le remords, il devient la proie d’une épouse absurdement obsédée par la vengeance.
Tombé amoureux du style de Franz Bartelt, de sa façon de rendre compte des tragédies minuscules de la vie ordinaire en en tirant tout le sel comique, Manuel Sanchez a voulu, avec sa scénariste Muriel Harrar, rester fidèle à l’esprit et au ton du livre. Pari tenu puisque La DorMeuse Duval réussi la prouesse de nous émouvoir sans jamais nous affliger, de nous faire rire sans jamais tomber dans le mépris ou l’indifférence à l’égard de personnages simples, de « petites gens », dont le destin nous rappelle que point n’est besoin de porter couronne pour mériter d’être raconté.